dimanche 24 avril 2005

Replongée dans Decaux

J'ai arrêté la lecture des Mémoires d'Alain Decaux à la page 47, à cause du choc de cette passage que je recopie ici. C'était passé avant la deuxième guerre, l'année de ma naissance: 1934. Il était a l'époque dans un école communale avec les enfants des paysans et fermiers.

"Plusieurs fois dans l'année, à la fin de l'étude - tous y assistent-, la même scène se répète : l'un de nos camarades gravit les deux marches de l'estrade et s'arrête devant l'institutrice. Nous faisons silence pou entendre notre camarade murmurer seulement:
- Au revoir, m'dame.
- Ah! tu as treize ans aujourd'hui?
- Oui, m'dame.
- Alors, au revoir mon garçon.
La loi prescrit que les enfants suivront les cours de l'école obligatoire jusqu'à treize ans. Leurs parents la suivent à la lettre. Le lendemain, leur fils travaillera à la ferme. Même Brin d'que, ainsi appelé à cause de ses taches de rousseur, ne terminera pas son année scolaire. Il s'était inscrit au cours facultatif de musique pour apprendre le violon."

C'était hier matin.
Mais bien sûr, après une période de reflexion (il fallait assimiler, entrer en moi ce passage, le faire partie de mon expérience et jamais l'oublier), j'ai repris la lecture. La journée de hier, hors les blogs, je l'ai passé avec Decaux, jeune.

Et voilà une autre passage qui m'a fait arrêter pour un temps. (Decaux et sa famille sont profondément catholiques et son père a lutté sous Petain à la première guerre.)

"Une nouvelle "politique" à l'égard des juifs s'est annoncée, en mai 1942, par l'obligation qui leur est fait de porter l'étoile jaune. A la sortie d'un cours, Nahmias me serre la main plus longuement que d'habitude.
-Nous quittons Paris. Pas question de porter l'étoile.
(...)
Devant papa, j'enrage contre les insupportables mesures édictés par l'occupant. Des rides plissent son front.
-Il faut que tu saches, confie-t-il, que les premières lois raciales promulgées par Vichy l'ont été en 1940.
Immédiate, ma réaction:
-Sous pression allemande, bien sûr!
Un silence.
-Ne crois pas ça.
Nous nous taisons.
Alors, le maréchal?

Je suis actuellement à la page 234.
Mais je reviens encore sur une page qui m'a frappé. Avant cela, je voudrais ajouter le "crédo" de ceux écrivant sur l'histoire mais aussi des souvenirs et mémoires : "garantir les vérités des situations que nous avons évoquées mais non les propos que l'on y a tenus, les phrases prononcés étant de notre cru."

Moi aussi, évoquant les choses passées, j'essais autant que je peux écrire une vérité, ma vérité telle que je la vois aujourd'hui (ou le voyais alors) mais la mise en scène et surtout les paroles ne sont que ceux mises en présent, pour mieux les illustrer, tel qu'on croit que c'était. Il n'y eu de magnéto alors et la mémoire de chacun de nous est faible. On fait le mieux qu'on peut pour le rendre tel qu'on se souvient.

Decaux a découvert que le journal de Virginie de Castiglione (une belle italienne envoyé par Italie vers Napoléon III pour l'influencer)est mise en enchère, il y coure. Comme il n'a pas l'argent de l'acheter, il va voir l'acheteur et lui confie qu'il voudra écrire un livre. Il reste tout étonné quand celui-ci lui confie le journal pour un temps.

"Là, sur ma table de travail, je tarde à l'ouvrir, ce journal inespéré. Quand je me décide, un parfum un peu lourd s'élève d'entre les pages. Quand, six mois plus tard, l'ayant consulté chaque jour je le rendrai à son propriétaire, l'odeur aura disparu. Je suis le dernier homme vivant à avoir respiré le parfum de la comptesse de Castiglione." (...) Le livre paraît à la rentrée de 1953.

Je m'arrête ici. J'aurai envie de citer d'autres passages qui m'ont frappé, mais le texte est copyright : lisez-le de vous même. Et probablement, chacun de vous sera frappé par d'autres scènes. Je vais porter en moi, plusieurs d'autres de son livre.

Et je me promets de relire les livres de André Castelot. Quand j'ai étudié l'histoire de la France, j'ai lu tous les livres de Castelot que j'ai pu trouver à la biblioteque, mais c'était il y a longtemps. Il faisait revivre si bien des parties de l'histoire! Je vais m'y remettre, retrouver quelques uns de ses livres. Et bien sur, chercher celui écrit sur Castiglione.

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